Arts, religions

Nous exemptons généralement les arts et les religions de toute responsabilité en matière de nuisances à l’environnement. Les activités artistiques et cultuelles n’entraînent en principe que peu de dommages : églises, cultes, instruments de musique, livres, sculptures, peintures, cinéma n’ont guère d’incidence sur les équilibres naturels.

Néanmoins, l’art et la religion sont les deux maîtres piliers de la culture. Ils fondent et entretiennent nos relations à l’univers et à notre environnement terrestre.

Prenons l’exemple catholique de l’Eucharistie : le pain, chair du Christ, et le vin, sang du Christ font résonner dans l’esprit des fidèles la dimension du sacré. Quelles que soient les raisons qui aient poussé le Christ à choisir ces oblats, le rite répété régulièrement pendant des générations finit par enrober de sacré les deux saints aliments et par gommer les questions qu’ils pourraient soulever.

Le pain – le bon pain quotidien, consacré par l’oraison dominicale – paraît au-dessus de tout soupçon, alors que la culture des céréales s’avère aujourd’hui l’une des principales source de destruction de la planète, et le gluten cause de maladies graves, sans parler de l’acrylamide et autres génotoxiques. Le vin – la dive bouteille, élevée par Rabelais au rang d’oracle – porte une écrasante responsabilité en termes de violences et de drames familiaux.

La religion vient ainsi cautionner depuis deux millénaires des artéfacts alimentaires qui méritaient au contraire d’être sérieusement remis en cause. La gangue de sacralisation qui leur fut et leur est encore prêtée a certainement joué un rôle important, au niveau de l’inconscient, dans les retards pris par la médecine pour remettre les traditions alimentaires en cause, voire par les services publics pour prendre des mesures contre l’ivresse au volant…

L’exemple est un peu trivial, mais le schéma de démonstration est fondamental : l’art et la religion sont les deux marqueurs principaux de l’avancement d’une culture. Tous les éléments qu’ils cautionnent directement ou indirectement bénéficient d’un sauf-conduit, de sorte que l’esprit critique est mis en berne. Il ne s’agit pas de processus conscients, mais d’une imprégnation qui remonte à l’enfance, à l’attitude des parents, des enseignants, des amis, qu’ils soient croyants ou athées, amateurs d’art ou rustres. Tous partagent malgré eux les mêmes dénominateurs communs, et défendent sous l’étiquette du noble ou du sacré le même système de valeurs, dont on trouve par surcroît le reflet institutionnalisé dans les médias.

Sachant que ces valeurs conduisent à l’impasse planétaire, il reste à s’interroger sur les raisons qui ont amené les hommes, depuis bien des millénaires, à donner à l’art et à la religion les places de choix qui en ont fait nos directeurs de conscience. Le glissement dans le consumérisme et ses fausses promesses témoigne pour le moins de leur incapacité à nous préserver des plus funestes illusions…