Cette hypothèse est matériellement impossible

Il est certain que les pays développés ont vu leur taux d’accroissement démographique diminuer dans les dernières années. On nous laisse donc espérer que le même processus se déroulera dans les pays en voie de développement. Ainsi, la population mondiale finirait par se stabiliser.

Ce raisonnement salvateur masque une triste réalité : le fait irréfragable que les ressources dont disposera l’humanité sont limitées. Le nombre actuel de consommateurs « développés » dépasse déjà ce que la biosphère peut supporter. Depuis les années 80, nous vivons à crédit, c’est-à-dire que l’empreinte écologique globale de l’humanité dépasse la biocapacité de la planète.

Or, pour que les pays en cours de développement puissent accéder au progrès censé stabiliser leur population, il faut d’abord qu’ils se mettent à « consommer » comme nous le faisons. Si 700 millions de consommateurs de niveau européen ont besoin d’une planète entière pour subvenir à leurs besoins, 7 milliards auront mathématiquement besoin de dix planètes.

De plus, il faudra du temps pour que la phase d’explosion démographique induite par l’amélioration des conditions de vie laisse place à une stabilisation de la population. Le taux de croissance démographique en Europe occidentale n’était que de 0,14 % avant l’ère industrielle. Puis la population du Royaume Uni, premier pays à s’industrialiser, passait de 6 à 21 millions en un siècle (multipliée par 3,5 entre 1750 et 1850). Celle des États Unis, qui connaissent une révolution industrielles plus tardive, est multipliée par 15 entre 1820 et 1950 !

Les choses iront sans doute plus vite aujourd’hui, vu la mondialisation des transports et des informations (télévision, internet etc.). Mais s’il a fallu autour de deux siècles pour que la population se stabilise en Occident, il faudra manifestement quelques générations dans les pays en voie de développement, si ce n’est qu’à cause de la pyramide des âges.

À supposer que la population s’y multiplie autant qu’elle l’a fait chez nous sous l’effet du progrès, on compterait bientôt non pas une dizaine de milliards de bipèdes de par le monde, comme le prévoient les démographes, mais 6 milliards de candidats actuels au développement fois un facteur d’au moins 3,5 (cf les cas du Royaume Uni ou de la France), plus le milliard de consommateurs déjà existants, soit 22 milliards. C’est-à-dire qu’il faudrait 30 fois la planète pour subvenir aux besoins de tous !

L’avancement des technologies vertes ne pourra jamais compenser dans les temps une pareille évolution. D’autant plus que les pays en voie d’industrialisation auront tendance à en retarder l’application afin de ne pas pénaliser leur propre croissance (cf. la surconsommation de charbon en Chine, la pollution industrielle en Indes, etc.). La production agricole sera elle aussi dépassée, surtout si l’on prend en compte l’usure des terres sous l’effet des méthodes intensives censées assurer une production suffisante.

Ainsi, la solution à laquelle se raccrochent les démographes s’avère mathématiquement impossible. La première phase de transition démographique multipliera les populations loin au-delà de ce que pourrait supporter la planète. Et lorsque pourrait intervenir un changement de mœurs susceptible d’induire une limitation du taux de fécondité, il sera trop tard : la planète sera dépecée depuis longtemps.

Les spécialistes semblent avoir oublié qu’une sphère est ronde et finie. Nous sommes enfermés dans une petite boule de 12600 km de diamètre, et nous ne pouvons pas y faire n’importe quoi.

Il serait aberrant d’attendre que la population mondiale s’ajuste spontanément aux ressources renouvelables. Si nous ne voulons pas que nos descendants finissent par crever de faim et s’entre-tuer, nous devons prendre le taureau par les cornes et maîtriser dans l’urgence l’instinct reproducteur humain.

Cela implique de connaître tous les mécanismes d’interaction entre culture, nature, sexualité et démographie, ce qui est loin d’être le cas…