Où la civilisation a cru pouvoir se couper de l’habitat naturel
Voici comment Shepard décrit le déclin des civilisations agricoles. Un triste sort qui pourrait bien être le nôtre si nous ne changeons pas rapidement de trajectoire :
Le cycle commença typiquement avec la concentration de l’autorité et de l’organisation se manifestant au travers de l’expansion guerrière, de la territorialité et de la mise en place de systèmes d’irrigation et de réserves d’eau. La surface de sol productif fut accrue par la distribution soigneusement gérée de l’eau. L’irrigation fit place progressivement à des systèmes hydrauliques complexes et très ramifiés. Lorsque la population se développa au-delà des ressources disponibles, les migrants partirent vers les hauteurs, sur les pas des charbonniers et des bûcherons, et s’installèrent, pour la plupart, comme éleveurs dans les vallées longeant les tributaires des grands fleuves, tels le Tigre et l’Euphrate. Au fil des années, leurs troupeaux grandirent, piétinèrent et dénudèrent les pentes montagneuses, détruisant ainsi leur végétation et érodant les sols. Les terres perdirent leur capacité de rétention d’eau, ce qui amplifia le lessivage après les pluies et fit baisser les nappes phréatiques alimentant les sources et les puits. La variation saisonnière des ressources en eau fut exacerbée par cette succession d’inondations et de pénuries. Le limon menaça d’engorger les retenues d’eau et les kilomètres de systèmes très élaborés de conduits d’eau dont dépendait l’agriculture.
La culture, une fois que toutes les terres labourables furent occupées, s’intensifia. Les monocultures, le contrôle des pestes et des adventices, et l’intensité accrue de ce que l’on exigeait du sol, mirent en place toutes les conditions favorisant des irruptions périodiques de pathologies végétales ainsi que d’invasions de pestes et de parasites dont les nourritures sauvages avaient été éradiquées. Les déficiences en oligoéléments et la salinisation des sols favorisèrent également la débâcle.
Extrait de l’ouvrage Nature and madness, 1er chapitre : The desert fathers