Contradiction biologique ou philosophique

Les philosophes, souvent plus sophistes que « philo-sophes » au sens de la Grèce antique, arrivent à tout démontrer. Il leur suffit d’invoquer, suivant les écoles, les lois du hasard ou les forces diaboliques qui habiteraient l’âme humaine pour justifier cette étonnante contradiction qui veut que l’homme ait la possibilité, voire une fâcheuse tendance à œuvrer pour son propre mal ou pour celui de son environnement.

Certaines intuitions harmonicistes nous laissent pourtant espérer en une capacité et une volonté de faire le bien, ou pour le moins d’espérer en un idéal humain œuvrant par nature pour l’harmonie du vivant. Difficile de savoir si ces intuitions tant soit peu rousseauistes remontent à une fonctionnement originaire du psychisme, ou relèvent plutôt d’un besoin de fuir la réalité et de trouver des compensations et des assurances dans des fantasmes infantiles.

Quoi qu’il en soit, nous avons intérêt à miser gagnant : postuler que l’homme est bon par nature incite à rechercher ce qui le rend mauvais, et cela ne peut que stimuler la recherche. Les vices de fonctionnement, qu’ils soient innés ou acquis, pourront être mieux compris et combattus, pour le bien général. Les défauts qui s’avéreront partie intégrante de la nature humaine devront être considérés comme des tares constitutionnelles, dont nous ne sommes pas responsables. Le simple fait de nous savoir victimes involontaires de notre propre constitution, pourrait en définitive nous motiver à prendre les mesures nécessaires pour que ces défauts ne s’expriment pas, ou au moins limiter et prévenir leurs conséquences.

Le fait qu’une espèce soit porteuse de tares compromettant son bien-être ou l’intégrité de son biotope fleure toutefois la contradiction biologique. Les lois de l’évolution, et plus encore de la co-évolution, qui régissent le devenir de tout écosystème, laissent escompter une perfection optimale des mécanismes vivants et des interactions écologiques. Les antirousseauistes semblent l’avoir oublié, alors qu’on peut au contraire admirer la perspicacité du philosophe des Lumières pour avoir pressenti un principe d’harmonie intrinsèque à la nature, bien avant que Darwin ne formule les lois de la sélection naturelle.

L’objet de l’écogénétique humaine n’est pas de prendre parti pour ou contre une perfection des formes vivantes. Ils s’agit ici d’utiliser le postulat d’une évolution de la vie vers des formes et des équilibres aussi parfaits que possible, non pas pour nous complaire dans des fantasmes de paradis originel, mais afin de nous interroger aussi exhaustivement que possible chaque fois qu’un aspect quelconque de la réalité vivante vient le contredire : dans quelle mesure les comportements humains en sont-ils responsables, à travers quelles dérogations aux lois naturelles, et que pouvons-nous faire pour changer le cours des choses ?

Nous irons ainsi droit au but…