Désastre écologique

Peut-on vraiment parler de désastre écologique ?

Actuellement, si l’on en croit les optimistes : « la vie se déroule sans trop d’incidents. Le milieu est parfois mis à contribution, mais les équilibres écologiques ne sont vraiment rompus que dans des zones relativement restreintes. Certaines espèces ont disparu, mais la vie est pleine de ressources, la biodiversité se rétablit d’une manière ou d’une autre. il est vrai que la pollution chimique se retrouve un peu partout, jusqu’aux pôles et au fond des océans, mais ses effets sur les organismes sont localisés et certainement réversibles…

Certes, les Inuits ont subi de graves préjudices par suite de la consommation de phoque et de baleine, mais il s’agit d’une population minoritaire, spécialement touchée du fait de pratiques alimentaires ancestrales très particulières. La pollution mécanique, sacs de plastique, canettes, ordures ménagères, décharges etc. n’abîment que de petites portions de terrain, que les médias mettent en exergue, mais qui sont encore parfaitement supportables quand on regarde les choses à grande échelle. Les nouveaux moteurs gaspillent beaucoup moins de carburant, les particules toxiques sont retenues en grande partie dans les pots d’échappement catalytiques, l’industrie est elle aussi très sévèrement réglementée.

Le réchauffement climatique n’est que de quelques degrés, le niveau des mers n’a pas bougé sensiblement, et ces variations de température sont un phénomène naturel. Des inondations et des sécheresses ont depuis toujours ponctué l’histoire. Les glaciers régressent, mais il y a toujours eu des alternances de glaciation et de fonte glaciaire. De plus, une prise de conscience générale s’est produite et progresse encore, de sorte qu’on peut tout au plus parler d’une mésaventure écologique, dont le monde pourra facilement sortir, et en aucun cas d’un désastre, qui présupposerait des dommages mettant sérieusement en péril la survie de l’humanité ».

Face à ce type de discours minimalistes, surgissent un peu partout des discours alarmistes, voire apocalyptiques, prévoyant la fin de la vie sur terre à plus ou moins brève échéance, criant que la partie est perdue d’avance, que les préjudices actuels sont irréversibles, que tous les efforts seront vains… Les médias s’en emparent et font caisse de résonance, le papier se vendant mieux lorsqu’il véhicule des peurs et des horreurs. Les écologistes en font leur cheval de bataille, voire leur fond de commerce, l’attention du public et les voix des électeurs se gagnant plus facilement lorsque le danger menace.

Qu’en est-il exactement ? Si l’on pouvait stopper du jour au lendemain toutes les formes de dégradation de l’environnement, la planète s’en sortirait sans trop de dégâts. La situation n’empirerait guère par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui, sous réserve que le réchauffement climatique n’ait pas encore amorcé trop de cercles vicieux comme celui du méthane accumulé sous les fonds marins qui risque de diffuser sous l’effet de la montée en température et d’aggraver encore l’effet de serre. Pour le reste, la conjoncture actuelle n’apparaît comme une impasse que si l’on présuppose l’incapacité du monde à changer les conduites nocives.

il est vrai que les forces d’inertie adverses sont énormes. En fait de David et Goliath, c’est plutôt la puce contre l’éléphant, ou le mini-pot de terre contre le méga-pot de fer. Le futur semble tracé d’avance. Néanmoins, il y a lieu de se demander s’il ne pourrait pas en être autrement. S’il n’y a pas des causes bien précises qui nous rendent excessivement dépendants des habitudes de gaspillage et des conduites nocives qui sont les nôtres. Le consumérisme n’est pas nécessairement une fatalité. Il perdra la prégnance qu’il a dans notre culture si nous parvenons à en débusquer les causes psychiques conscientes et inconscientes.

Le vide existentiel que nous ressentons lorsqu’il faudrait nous passer des avantages matériels qui pimentent et adoucissent notre existence dépend de notre état psychique. L’horreur de l’effort, la peur de manquer, la tendance à nous remplir l’estomac au-delà de nos besoins réels, l’importance que nous mettons dans notre garde-robe ou notre flotte de voitures, l’esclavage de la mode, la perméabilité à la publicité, le besoin de dépaysement au prix des quantités exorbitantes de CO2 distillées par les avions et les flots interminables qui déboulent sur les autoroutes, et bien d’autres éléments qui sont les moteurs mêmes de la consommation polluante, résultent directement de nos dispositions psychiques. Sinon, nous pourrions nous en passer sans éprouver de frustration, d’ennui ou de dépression.

En clair : s’il y a impasse écologique, c’est d’abord parce que nous nous trouvons dans une impasse psychologique, et c’est à ce niveau plus qu’à celui des mesures de protection de l’environnement que nous pourrons trouver des solutions fondamentales et définitives. Sinon, toutes les mesures de limitation imaginables risquent de sombrer dans l’oubli ou de se heurter à l’inertie des masses. Ou encore d’être rattrapées par l’exponentielle démographique qu’elles engendreront en repoussant la limite fatidique de l’épuisement des ressources…