Désastre écologique

Certains objecteront que le terme de désastre est exagéré. Nous pouvons encore manger et respirer. Les températures restent supportables, il y a toujours eu des accidents climatiques au cours des âges. Le niveau des océans a varié beaucoup plus par le passé. Avec une bonne crème anti-UV, on bronze sans danger sur les plages, le trou dans la couche d’ozone a l’air de régresser. De toutes façons, les militants écologistes se chargent de résoudre tous ces problèmes environnementaux…

A quoi l’on peut opposer que les passagers du Titanic continuaient à festoyer et l’orchestre à jouer du Strauss pendant que seuls quelques responsables pouvaient prévoir le drame, et que même les mieux placés ne le prévoyaient pas dans toute son ampleur. Où en sont nos responsables ? De plus en plus nombreux sont les scientifiques qui s’inquiètent et sonnent l’alarme, d’autres se résignent au naufrage qu’ils estiment inévitable. Quelques politiques affichent le vert et partent en guerre.

On peut se demander si les chercheurs qui donnent dans le pessimisme exagèrent les dangers, ou s’ils sont simplement mieux placés pour en avoir une vision réaliste. Les uns tentent de réveiller les consciences en noircissant le tableau, alors que les opposants, tributaires de leurs habitudes, ou liés à toutes sortes de lobbies, s’emploient à minimiser les risques. L’objectivité est loin d’être garantie, car les enjeux économiques sont énormes.

L’industrie pétrolière et toute la nébuleuse qu’elle entraîne dans sa course, les transports, l’agrochimie alimentaire, les grosses et les petites industries, font inévitablement passer leur budget avant la préservation du milieu. La plupart des scientifiques dépendent des milieux industriels qui subventionnent leurs recherches. Ils ont de bonnes raisons pour rassurer les populations. Le système fonctionne en vase clos et toutes les dérives sont possibles.

Partons tout de même de l’idée que tous soient sincères, aussi bien les optimistes que les pessimistes. Il est bien connu qu’une même situation peut être vue très différemment suivant les observateurs et leurs motivations, cela en dépit de toute volonté d’honnêteté. La position raisonnable se situe le plus souvent entre les positions extrêmes. Il faut aussi tenir compte de l’évolution générale de la pensée sociale, dont on peut espérer qu’elle progresse vers une objectivité croissante.

Or, on constate que le nombre des voix qui crient au feu est de plus en plus imposant. Les optimistes se font de plus en plus rares. Les écologistes qui nous parlaient de réchauffement climatique, il y a encore quelques décennies, passaient pour de doux dingues, alors que leur point de vue est aujourd’hui largement majoritaire.

Quoi qu’il en soit, les forêts tropicales disparaissent. Le monde marin est contaminé par les pesticides jusque dans les lieux les plus reculés. La fonte de la banquise et le recul des glaciers ne laissent aucun doute sur la responsabilité au moins partielle de l’homme. Le trou dans la couche d’ozone se mesure à l’épaisseur des couches de crème recommandées pour éviter les mélanomes (quoique selon certaines études, c’est l’usage plus intensif des crèmes solaires qui multiplierait les cancers)…

Tout dépend de la manière dont on considère les choses. La situation présente est encore supportable, mais qu’en sera-t-il si l’on extrapole son évolution aux décennies futures ? Ce qui n’est pas un désastre aujourd’hui a toutes les chances de le devenir demain si l’on ne freine pas énergiquement la descente aux enfers.

La contamination des pays dits en voie de développement par les mœurs occidentales s’étend de jour en jour. Or, il a suffi d’un demi-milliard d’individus épris de « progrès » pour en arriver à la situation actuelle. Il est clair qu’en multipliant ce nombre par quatorze, on change dramatiquement d’ordre de grandeur. Au lieu d’une planète, il en faudrait quatorze pour encaisser les sévices…

Objectivement, un désastre est possible, et sans doute probable. Face au danger qu’encourent les générations futures, et en vertu du principe de précaution, notre devoir est de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’éviter. À commencer par clarifier les causes et les mécanismes qui ont engendré la situation actuelle et risquent de la prolonger ou de l’aggraver.

Les choses ne changeront que le jour où la majorité des individus du monde entier auront réellement mesuré le danger et seront prêt à réviser leur mode de vie. C’est pour donner plus de chances à une prise de conscience générale que l’écogénétique humaine s’efforce de mettre en évidence et de faire connaître les mécanismes fondamentaux qui ont amorcé la spirale et pourraient bien l’amener à l’éclatement…