Dommages infligés à la nature
Le terme de « nature » n’est ici pas utilisé dans un sens idéologique, ni idéalisé, présupposant une perfection originelle comme la défendait par exemple un Jean-Jacques Rousseau. La nature est tantôt bienfaisante, préservatrice d’une harmonie qui s’est mise en place au cours des temps immémoriaux de l’Évolution, tantôt destructrice, menaçante, impitoyable…
La contradiction se lève, au moins en partie, si l’on distingue d’une part la nature-vie, régie par des équilibres biologiques et écologiques archimillénaires, et la nature-matière, avec ses météorites, ses éruptions volcaniques, ses tsunamis et autres formes de cataclysmes bien souvent destructeurs de la vie. La nature-matière est régie par les lois du hasard, et tend inéluctablement vers le désordre (l’entropie croissante), alors que la nature-vie résulte d’une lente et constante organisation à travers les filtres de la sélection naturelle, assurant en principe un ordre toujours plus complexe et parfait.
On est donc en droit d’attendre des lois naturelles issues du vivant une garantie d’équilibre, de santé, de bien-être, de sécurité. C’est en elles que s’enracinent les équilibres écosystémiques, tout comme l’harmonie fonctionnelle des organismes. Lorsque surviennent des disharmonies, des troubles, des souffrances, on est en droit de s’interroger sur leurs causes : quel est le facteur de désordre qui s’est introduit dans un système fondé sur l’ordre ?
, le fantasme de perfection, de santé, de bonheur – finalement de paradis – qui habite nos psychismes s’explique en termes scientifiques d’évolution : les lois biologiques et statistiques de l’adaptation génétique n’ont pu que tendre vers une harmonie fonctionnelle et écosystémique optimale. Chaque fois que surviennent des ruptures dans ce processus, elles doivent s’expliquer en termes d’accident (dû le plus souvent à la nature-matière, comme la météorite qui détruisit les dinosaures), de malfaisance (lorsque l’homme contre délibérément les lois naturelles), ou d’échec (lorsqu’un processus naturel se heurte à des circonstances défavorables).
Lorsque nous parlons ici de nature, il s’agit évidemment de cette nature-vie, telle qu’elle était avant de subir des transformations sous l’effet de l’action humaine, telles la déforestation, les labours, l’érosion, l’assèchement des nappes phréatiques, la pollution, la salinisation, les constructions, les émissions de PCB et de CO2, etc.
conception évolutionniste de la nature, essentielle du point de vue scientifique, n’exclut pas une relation affective au monde naturel, faite d’empathie, de respect, voire d’un certain sens du sacré, comme on le trouvait dans les sociétés animistes. De telles dispositions, qu’elles fussent fondées sur une réalité spirituelle ou sur une projection anthropomorphique, avaient au moins l’avantage de prévenir la destruction de l’environnement.
Il faut dès lors s’interroger sur les origines de l’indifférence, du mépris, voire du sadisme que l’on trouve bien souvent dans notre société matérialiste face au monde vert. Ces tendances jouent un rôle décisif dans l’équilibre crucial entre prélèvement et sauvegarde des ressources, destruction et préservation de l’environnement, avenir vert ou noir de la planète bleue…