Des facteurs de régulation encore obscurs
Malinowski, le célèbre ethnologue du début du siècle passé, s’étonnait de voir les Trobriandais (Nouvelle Guinée) n’avoir qu’un nombre très raisonnable d’enfants, alors qu’ils ne connaissaient pas le rôle du sperme dans la fécondation et ne prenaient de ce fait aucune mesure de précaution.
Son étonnement ne fit que croître au cours de ses investigations, au point qu’il finit par se rallier aux dires de ces innocents primitifs : pour eux, la conception ou la non conception tenaient à des causes magiques. Le rationalisme de l’ethnologue avait dû céder devant la réalité des faits. Rien dans ses connaissances ne parvenait à expliquer la régulation des naissances, sachant que les coïts n’étaient entravés par aucune règle de restriction ni par aucun sentiment de culpabilité.
Un siècle plus tard, nous ne sommes toujours pas en mesure de fournir une explication pertinente aux constatations de Malinowski, de sorte que certains en viennent à jeter l’anathème sur ses observations. Il serait plus rationnel de nous poser des questions sur la limitation de nos connaissances en matière de sexualité.
On oublie trop facilement que le sexe avait autrefois une dimension sacrée. Les touristes admirent les colonnes du temple de Louksor, sans se douter qu’elles sont des représentations phalliques, ou pour le moins sans comprendre ce que des représentations phalliques peuvent bien faire dans un temple. Les mystères d’Éleusis, les cultes orphiques attribuaient une fonction spirituelle à la pédérastie. Les Vestales et autres prêtresses devaient faire vœu de chasteté. Encore aujourd’hui, la religion se préoccupe largement de morale sexuelle. Le Jardin des Délices de Jérôme Bosch, universellement connu, met en scène des relations sexuelles en rapport avec l’accès à l’extrasensoriel, que les exégètes peinent à commenter.
Ces éléments, qui appartiennent aux bases mêmes de notre culture, pourraient nous amener à nous poser des questions sur notre conception rationaliste de l’amour et de la sexualité. Elle pourrait bien recouvrir d’un voile faussement pudique des valeurs de loin plus subtiles que celles de notre sexologie moderne. La résistance des écoliers contre les cours d’éducation sexuelle ne témoignerait-il pas de l’ineptie des principes que nous tentons de leur inculquer ?
La psychanalyse elle-même pourrait être passée à côté de l’essentiel : Freud était accusé de pansexualisme. L’importance apparemment exagérée qu’il attribuait au pénis ne serait-elle pas en rapport avec notre incompréhension d’un concept aussi troublant que celui de phallus sacré, pourtant présent dans toute l’Antiquité ? Nous nous étonnerions alors moins des phallophories pratiquées jadis par les Grecs et aujourd’hui encore par les Japonais…
Cela pourrait par ailleurs nous aiguiller vers une meilleure compréhension de ce qui ne fonctionne plus conformément aux lois naturelles, dont les Anciens étaient certainement encore plus proches. Et ces dysfonctionnements devraient nous mettre sur la piste des déviations comportementales susceptibles de perturber la régulation naturelle des taux de naissances.
Un chemin à explorer absolument…