L’abondance alimentaire, la confiance dans l’avenir
Les parents qui se sentent en sécurité et dans la capacité de nourrir leur progéniture dans de bonnes conditions ont en principe tendance à faire plus d’enfants que dans le cas contraire.
Lorsqu’on sait que la nourriture viendra à manquer, qu’il n’y aura pas d’eau potable pour tout le monde, que des conflits mettront les vies en danger, un réflexe naturel viendrait limiter spontanément le nombre d’enfants désirés.
Cette réaction peut expliquer la phase d’explosion démographique que l’on observe dans la première période de transition démographique, lorsque le progrès tout neuf vient rassurer et enthousiasmer les esprits. Il est en revanche illusoire d’en déduire la réciproque : dans une situation de stress, le réflexe le plus naturel consiste plutôt à multiplier la descendance afin de donner à l’espèce un maximum de chances de survie.
Ce phénomène s’observe déjà chez les végétaux : lorsqu’on stresse une plante, en la privant d’eau par exemple, elle a tendance à faire plus de fruits quitte à sacrifier sa propre croissance. Des rats stressés multiplient également leur progéniture. Les pays les plus pauvres, exposés aux famines et aux conflits, présentent de taux de natalité plus élevés que les autres. Le stress semble pousser les humains à se reproduire davantage.
Il faut aussi compter avec les enfants non désirés. La pauvreté et le désordre social ne sont pas favorables à l’utilisation raisonnée des contraceptifs. La dépression peut pousser à multiplier les coïts et à prendre plus de risques. Il serait donc illusoire de compter sur une régulation naturelle des naissances au moment où l’impasse écologique se fera plus stressante.
Les conditions de vie ne se feront véritablement stressante que lorsqu’il sera trop tard. Il faudrait une prise de conscience qui anticipe l’entrée dans l’irréversible. Mais comment amener des milliards d’individus à restreindre leur descendance sans qu’ils aient l’impression que l’on touche à leur liberté la plus élémentaire, que l’on fait intrusion dans leur intimité et à leur vie sexuelle ?
La seule possibilité sera de commencer par comprendre pourquoi le fonctionnement psychique et psychosexuel humain débouche sur une prolifération mettant l’espèce elle-même en danger. Quels sont les facteurs qui génèrent une telle impasse ? Quel sont les rôles respectifs des instincts innés, des contraintes culturelles, des conditionnements, de l’alimentation, des religions ?
Il est possible que l’image même que nous avons de la sexualité se soit écartée de ce qu’elle devrait être par nature. De nombreux faits donnent à le penser, comme la névrose endémique que la psychanalyse met en rapport avec les refoulements sexuels, la dichotomie entre morale répressive et pornographie, les souffrances auxquelles aboutissent la plupart des histoires d’amour, les discriminations visant depuis des millénaires les homosexuels…
Derrière les souffrances et les contradictions se cachent généralement des erreurs commises par rapport aux lois naturelles. Il s’agit d’abord de définir les lois naturelles de la sexualité humaine. La lumière pourrait alors être faite dans ces zones obscures de notre culture, et rendre possible la prise de conscience indispensable à grande échelle pour éviter l’impasse imminente…