Le « croissez et multipliez » qui anime irrésistiblement les humains
La perpétuation de l’espèce humaine s’est jusqu’ici manifestée par le truchement de notre instinct de reproduction. Elle passe dorénavant par la maîtrise de cet instinct.
Le très biblique «croissez et multipliez» n’est plus à l’ordre du jour, au regard du danger démographique. Il est malheureusement toujours présent dans notre culture, et dans bien d’autres plus encore que chez nous. On se réjouit, en France, d’une remontée du taux de fécondité à 2,01 enfant par femme, juste suffisant pour faire croître la population (immigration à l’appui) et assurer la croissance économique. Il faudrait au contraire s’inquiéter d’une augmentation de l’empreinte écologique. On apporte une aide aux familles nombreuses alors qu’il faudra bientôt faire payer une amende pour chaque enfant supplémentaire, comme on fait payer une pollutaxe aux industriels. On tient pour immoral tout interdit imposé aux familles quant à leur liberté de procréation.
Nous aboutissons à un système profondément contradictoire. Les préceptes moraux se font immoraux, les règles indispensables à la survie de nos descendants sont contraires à l’éthique ancestrale qui coule encore dans nos veines, les restrictions qui sauveraient la planète nous condamnent à des interdits contraires aux libertés fondamentales… Ces contradictions sont-elles inéluctables ? Découlent-elles des caractéristiques immanentes à la nature humaine ? S’agit-il d’une impasse propre aux lois d’une évolution aussi aveugle qu’inexorable ?
Ce sont nos instincts primordiaux qui nous poussent à procréer, comme toutes les espèces vivantes, et ces instincts nous mèneraient aujourd’hui droit dans le mur… Rien ne permet d’exclure une telle inconséquence de la nature. La génétique qui détermine nos instincts n’aurait pas prévu la finitude du biotope planétaire. Comme l’annonçaient tant de prophéties, l’apocalypse était inscrite dans nos gènes, le péché originel nous condamnait par avance à l’impasse écologique, et avec nous la planète entière…
Deux points dans cette vieille histoire peuvent retenir notre attention : le «croissez et multipliez» nous est ordonné dans la Genèse après qu’Adam eut croqué la pomme. Il prélude à des millénaires d’errances et de malheurs que décrit l’Ancien Testament. Il n’est donc pas forcément de bon augure. Rien ne dit non plus que le péché originel découle de notre seule nature. Il a fallu qu’un serpent vienne susurrer les mots de la tentation aux oreilles d’Ève pour que le premier couple se décide à croquer la pomme. Donc un quelconque élément extérieur.
Deuxième point remarquable : cette affaire de pomme concerne manifestement la sexualité. L’une des premières sanctions fut le fameux « tu enfanteras dans la douleur ». La surcharge démographique à laquelle cette même sexualité confronte aujourd’hui l’humanité apparaît elle aussi une forme de soufrance, qui promet de dépasser d’ici quelques générations tous les châtiments qu’aurait pu concevoir l’Éternel des armées…
Le message biblique, au-delà de son anachronisme et de son hermétisme, pourrait finalement nous mettre sur la piste. Les causes de la situation d’enfer qui s’annonce pourraient se déchiffrer dans les premières affres que connut le paradis terrestre. Le mal s’y serait installé à travers la pomme, donc à travers le sexe. Le «croissez et multipliez», que l’on prend pour une injonction du Créateur, s’inscrit plus objectivement au nombre des malédictions proférées par un Éternel irrité de s’être vu trahi par sa plus noble Créature…
Que l’on croie ou non au message biblique, les apparentes incohérences de ces vieux textes ne relèvent certainement pas du hasard. Elles pourraient dénoncer la transgression de certaines lois naturelles, qui menace d’aboutir à une sanction de loin plus grave que le Déluge.
À nous de chercher activement tous les liens qui peuvent exister entre ce que nous appelons la sexualité humaine et l’explosion démographique. Nos comportements sexuels ne traduisent pas nécessairement le fonctionnement naturel de nos instincts, mais pourraient découler de déviations pulsionnelles subies sous l’effet de la culture, de la morale, ou de certains facteurs encore obscurs, dont il s’agit de déterminer une fois pour toutes la nature exacte…