Les facteurs psychopathologiques

Nous sommes tous convaincus d’être parfaitement normaux. Les fous le sont aussi.

Un étonnement peut toutefois surgir lorsqu’on apprend à l’école qu’une certaine dose de paranoïa et de schizophrénie est omniprésente. La psychanalyse elle-même considère que le psychisme normal se décline sur trois axes : la névrose, la paranoïa et la perversion. L’adage est bien connu : le normal est fou, et le fou est normal…

Il est difficile, à l’intérieur d’une société dont les points de repère sont fixés par la tradition, de savoir si le comportement considéré comme normal est vraiment normal, c’est-à-dire conforme aux potentialités génétiques de l’être humain. Les indigènes habitués au rituel des « négresses à plateau » considèrent le visage déformé comme un canon de beauté. Les tribus dont les femmes s’allongent le cou en empilant des anneaux ont d’autres critères de normalité. Le relativisme culturel est une réalité en ce sens que les membres d’une société qui obéissent à certaines normes ressentent ces normes comme parfaitement naturelles, mêmes si elles sont manifestement contre nature.

Les choses sont encore plus complexes lorsqu’il s’agit d’évaluer la normalité d’une prédisposition psychique. Si par exemple la majorité d’une population présente une tendance paranoïde, par suite de méthodes d’éducation généralisées, la culture qui se construira autour de cette dérive comportementale finira par intégrer la paranoïa comme une caractéristique normale. On parlera de l’amour-propre comme d’une qualité, même s’il est le symptôme d’une structuration défectueuse du moi. On croira normal d’exiger que la personne aimée n’éprouve jamais de sentiment pour un tiers ; ou de s’entre-tuer pour une insulte sous prétexte d’honneur ; ou de massacrer des incroyants au nom d’un Dieu d’Amour…

La sujétion aux normes n’empêche en aucun cas la reconnaissance inconsciente de la faute face aux lois naturelles que constituent ces comportements, ni les conflits internes et sociaux que suscite immanquablement le ressentiment envers la tradition et les générations antécédentes.

Quoi qu’il en soit, si l’on veut résoudre le fond du problème, il est indispensable de mettre en question le mode de fonctionnement psychique que notre culture présume être normal. Pour la simple raison qu’il conduit régulièrement à des conflits, à des crises, à des guerres et, de nos jours, à la destruction systématique de la planète.

Il faut savoir que certaines anomalies du fonctionnement psychique peuvent être transmises de génération en génération par l’éducation ou par l’influence de l’environnement, et paraître normales par l’effet de leur constance et de leur omniprésence. Par exemple la névrose endémique, dont on sait qu’elle est une conséquence de la morale répressive, et dont rares sont les personnes réellement conscientes.

C’est en fait le référentiel de normalité dans sa totalité qu’il incombe à l’écogénétique humaine de reconstituer : comment fonctionnerait le psychisme en dehors des facteurs pathogènes liés à la culture ? Aucun des moyens dont dispose la science ne doit être négligé pour une telle démarche : biologie, génétique, psychologie, anthropologie, éthologie, écologie, parapsychologie, etc., plus une bonne dose d’intuition…