Lévi-Strauss
Père du structuralisme et écologiste précurseur, Claude Lévi-Strauss, mort en 2009 à l’âge de 100 ans, portait un regard pessimiste sur une planète qu’il disait épuisée et ravagée par la civilisation de masse. Écologiste non militant, le philosophe et ethnologue fut un infatigable défenseur de la diversité des cultures et de leur environnement. Il est le premier à avoir tant insisté sur le lien privilégié entre les peuples dits primitifs et l’environnement, et à avoir fait l’éloge, à travers eux, de la nature, de la diversité et de la complexité du monde. »
Alors que la communauté internationale s’apprêtait à négocier à Copenhague les conditions d’un développement durable, Claude Lévi-Strauss s’éteignait en laissant derrière lui – en plus des fondements du structuralisme et d’un héritage intellectuel incontournable – les bases d’une pensée environnementaliste avant-gardiste.
Dès les années 1970, l’ethnologue et philosophe, pessimiste avoué, se disait inquiet de l’avenir de l’humanité. Une planète dont il pressentait les limites, une Terre « qui n’est pas indéfiniment extensible » et dont il prédisait l’épuisement si l’humanité « se laisse aller à ce rythme, à cette prolifération ».
« La civilisation n’est plus cette fleur fragile qu’on préservait dans quelques coins abrités d’un terroir riche en espèces rustiques. L’humanité s’installe dans la monoculture ; elle s’apprête à produire la civilisation en masse comme la betterave », peut-on lire dans « Tristes Tropiques » ».
Parmi les dernières paroles qu’il ait prononcées : « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales ; et que du fait même de sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne — si je puis dire — et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n’est pas un monde que j’aime ».
Personne ne peut aimer un monde qui court au suicide collectif. Le pire est le sentiment d’impuissance que chacun ressent comme un Lévi-Strauss a pu le ressentir lui-même. Personne ne sait que faire et tout le monde attend qu’une solution tombe du ciel.
L’écogénétique humaine propose de s’interroger sur les causes psychologiques et psychopathologiques de l’impasse actuelle de la civilisation. La forme qu’a prise le progrès et que l’Occident est en train d’inoculer à toutes les populations du monde découle-t-elle du fonctionnement naturel du psychisme humain, ou de certains dysfonctionnements dont la science n’a pas encore percé les mystères ?
Tout particulièrement : l’explosion démographique qui menace la planète est-elle inéluctablement liée à l’instinct de reproduction naturel, inné chez les humains comme chez les autres espèces vivantes ? Ou serait-elle la conséquence de certaines déviations qui se seraient immiscées dans le dispositif de sexualité mis en place par la civilisation ?
La question paraît improbable, mais c’est bien souvent au-delà des croyances et des stéréotypes les mieux partagés que se cachent les solutions…
Source : http://www.france24.com/fr/20091105-claude-vi-strauss-pr-curseur-cologie-moderne