Les modifications du fonctionnement psychique
La grande alternative est celle-ci : les comportements destructeurs de l’environnement, ceux qui ont conduit à la déforestation, à la pollution, au consumérisme, au réchauffement climatique et autres dommages écologiques, découlent-ils des caractéristiques innées du psychisme humain ? Ou plutôt de modifications de l’état psychique sous l’effet de facteurs qui restent à déterminer ?
Dans le premier cas, il reste à déplorer l’imperfection de notre génétique, qui nous vaut un cerveau limité au point de ne pas être capables de prévoir les conséquences lointaines de nos actes. Nous avons la fâcheuse tendance, lorsque nous inventons un nouvel artifice, à ne voir que le but immédiatement poursuivi, et à occulter les effets pervers que celui-ci pourrait avoir à long terme.
Les inventeurs de l’automobile n’éprouvaient qu’une naïve satisfaction à penser que les hommes pourraient se transporter sans être tributaires de chevaux et de cochers, une jouissance ludique à l’idée de dépasser la nature grâce à leur propre génie. De donner à l’être humain une liberté qu’il n’avait pas. Celle-ci s’est vite transformée en dépendance et en dégâts écologiques notoires. Sans compter la dépendance énergétique des pays exportateurs de pétrole et ses lourdes conséquences politiques.
Même schéma lorsque nos ancêtres ont inventé la friture. Fascinés par la métamorphose de leurs viandes ou de leurs poissons sous l’effet du feu, l’idée que ces nouveaux aliments pourraient porter tort à leur santé ne les a certainement pas effleurés. Si quelque chaman doté de précognition a entrevu les risques de l’athérosclérose, sans doute auront-ils préféré la voie gourmande à celle de l’ascèse. Et c’est des siècles plus tard que la science allait dévoiler les origines alimentaires des maladies cardiovasculaires, devenues principale cause de mort prématurée…
Il en va tout autrement des comportements qui découleraient de modifications psychiques altérant les caractéristiques innées. Comme on peut le voir avec les psychotropes, il suffit de peu pour que l’état psychoaffectif se transforme singulièrement. Quelques molécules d’ergot de seigle suffisent pour altérer la démarche, faire parler des langues inconnues, voir des démons surgir, comme cela se produisit à Danvers et valut la pendaison aux malheureuses « sorcières de Salem ». Une éducation répressive induit une névrose à vie qui altère toutes les relations, induit une attitude sadique face à la nature. Un niveau de stress et d’angoisse trop élevé, et l’individu prend des décisions hâtives, ne parvient plus à évaluer leurs conséquences, ou reste au contraire anormalement passif face au danger.
La situation est pire lorsque la dérive est à la fois larvée et généralisée. N’apparaissant pas assez clairement pour être verbalisée et combattue, elle s’installe dans les mœurs et finit par faire office de norme. Un certain malaise diffus trahit sa présence, chacun constate que la communauté ne fonctionne pas comme elle devrait, des heurts, des erreurs, des échecs viennent en témoigner mais personne ne sait que faire pour rétablir la situation. Seule la science peut venir à la rescousse, mais d’ici qu’elle mette le doigt sur les causes réelles du processus, il peut couler bien de l’eau (polluée…) sous les ponts.
Ce sont bien là les symptômes qu’affichent nos sociétés modernes. Tout le monde sent que quelque chose ne tourne pas rond dans notre société de consommation. Le malaise est omniprésent, mais nul en sait en dénoncer les causes exactes. Aucune solution alternative ne semble en mesure de changer les choses de manière fondamentale et durable. L’environnement en fait les frais et les dégâts frisent toujours plus l’irréversible sans qu’on sache comment sortir de l’impasse.
Le pari de l’écogénétique humaine est de mettre en lumière les causes cachées de cette irrésistible évolution. Elles se situent à coup sûr dans les comportements humains. Et là, ce sont manifestement les critères du fonctionnement psychique qui sont en cause. Reste à déterminer soit les défauts irrémédiables du psychisme et à prendre des mesures appropriées pour limiter la casse écologique ; soit à découvrir les modifications que ces critères on pu subir, et quels sont les facteurs responsables de ces modifications. Le programme est simple et ne pourra que mener à des améliorations de la situation générale.