Paralysie ontogénétique

Définition de l’ontogenèse :
En biologie : ontogenèse désigne l’ensemble des processus qui, chez un organisme animal ou végétal, conduisent de la cellule œuf à l’adulte reproducteur.
Ontogénèse des comportements. Établissement des liaisons sensori-motrices au cours de la genèse de l’organisme et de la croissance (d’apr. Lar. encyclop. Suppl. 1975)
Shepard emprunte ce concept à la biologie pour désigner ici le développement psychique. Dans un vocabulaire plus psychanalytique, il faudrait parler de « structuration psychique », tout en sachant que les liaisons cérébrales entre neurones en dépendent et en font la pérennité. Par « paralysie », il entend l’inhibition du développement psychique normal par suite du manque de stimuli dans le contexte champêtre, très pauvre par rapport à l’univers des chasseurs-cueilleurs, auquel notre cerveau serait encore adapté.

Nous pouvons retenir de cela qu’il peut y avoir un rapport très irréversible entre les contingences environnementales et la structuration psychique des individus. Il faut toutefois compter dans les facteurs de conditionnement bien plus que le paysage champêtre : toute les contraintes culturelles, notamment celles de l’éducation, de la morale, des normes comportementales, des normes de pensée en général influencent la structuration psychique. L’apprentissage nutritionnel joue également un rôle, il est par exemple différent pour le bébé de croquer à sa guise dans les fruits sauvages que se partage le groupe ou d’être obligé d’avaler la bouillie qu’on lui administre à la cuillère.

La structuration psychique peut ainsi dépendre de différents aspects de l’éducation : tétée, sevrage, biberon, couches, emmaillotement, chaussons, aliments imposés, premiers mots, convoyage en poussette, type de jouets, contraintes scolaires, interdits sexuels, images de la nature, de la famille, du foyer, du gagne-pain, des autres, de l’approvisionnement, de l’univers, de la divinité etc. Tous ces éléments de l’enfance et de l’adolescence déterminent très définitivement nos rapports aux êtres et aux choses, notre perméabilité à des contingences ultérieures comme la voiture automobile, la publicité télévisée, le rapport aux objets, au travail, à l’habitation, à la gastronomie, au tourisme, etc. Donc nos rapports d’adultes à l’environnement et au consumérisme.

En plus des structures psychiques, les facteurs biochimiques jouent aussi un rôle important. L’action d’excitants ou d’euphorisants dans l’environnement alimentaire ou autre modifie les états d’humeur et d’excitabilité. Certaines pulsions sont exacerbées et peuvent nécessiter des limitations, produisant à leur tour des frustrations et des tendances agressives, voire sadiques, dont certaines pourront s’exprimer par une destructivité latente, notamment par une indifférence à la destruction du milieu naturel.

Ainsi, l’idée de base de Shepard, à savoir le fait que le changement environnemental peut modifier la structuration psychique et y introduire toutes sortes de distorsions contre nature, débouche sur un champ de recherche gigantesque : celui de l’ontogenèse humaine dans toutes ses dimensions…