poussé nos ancêtres
Quelles étaient les caractéristiques psychologiques de nos ancêtres ? Qu’est-ce qui a pu les amener à changer leurs rapports à l’environnement, notamment à travers l’agriculture ? Voilà une question dont les réponses sont encore balbutiantes.
Il y a un siècle, on se représentait les hommes des origines comme de sombres brutes, hirsutes, violentes, privées de langage, d’intelligence, d’amour… Cette image d’Épinal a subi plusieurs corrections depuis là, mais on ne sait encore pas grand-chose sur ces lointains aïeux. Il y a bien les peintures rupestres, que l’on trouve un peu partout dans le monde, qui témoignent d’une certaine sensibilité, et d’un art pictural étonnant, sans qu’on sache quelle était leur véritable rôle dans la vie d’alors.
Ces vestiges remontent à quelques dizaines de milliers d’années, mais rien ne nous indique ce que pouvaient vivre et penser les premiers Néandertaliens, et encore moins les premiers pithécanthropes descendus des arbres. Bizarrement, on ne fait pas volontiers la comparaison avec les créatures le plus souvent paisibles que sont les Orangs-outans, les Gorilles, les Chimpanzés, et surtout les Bonobos dont les mœurs amoureuses nous laissent pantois.
Quoiqu’il en soit, toutes ces espèces, y compris l’espèce humaine d’avant les civilisations, ne semblent pas avoir porté le moindre préjudice à l’écosystème planétaire. Ce sont bien les hommes « civilisés » qui peuvent en réclamer le monopole. Est-ce dû uniquement à des avancées technologiques permettant de détruire plus vite et plus facilement que jadis, ou à des modifications psychiques et comportementales ?
Les deux chaînes de causalité n’ont rien d’exclusif. Au contraire, les inventions techniques et leur généralisation peut s’expliquer par des modifications psychiques, et ces innovations ont pu par leurs caractères contre nature induire de nouvelles modifications psychiques qui ont à leur tour favorisé de nouveaux artéfacts et ainsi de suite. Il s’est très probablement produit une évolution par paliers s’induisant les uns les autres, pour aboutir à ce que nous appelons aujourd’hui la civilisation, avec sa pléthore de nuisances écologiques.
Par exemple, le passage à l’ère agricole, que l’on fait remonter à une dizaine de milliers d’années, semble s’être effectué de manière très progressive. Est-ce le contexte agricole qui a permis aux hommes de se nourrir différemment, ou plutôt certaines transformations de l’alimentation qui ont exigé de nouveaux modes de culture : c’est un peu le problème de l’œuf et de la poule. Les deux processus se sont entretenus et renforcés mutuellement, jusqu’à mener à un mode d’alimentation axé principalement sur les céréales et le lait animal.
Le moteur du processus doit-il être cherché dans la commodité, dans la crainte des famines, ou dans les qualités propres de cette alimentation nouvelle ? Un facteur qui n’est jamais pris en compte, mais qui aurait pu prédominer sur les autres co-facteurs, pourrait être la présence d’exorphines dans le gluten des céréales et dans les protéines du lait. Un recherche est nécessaire pour évaluer le rôle qu’ont pu jouer ces euphorisants dans l’ascension à la civilisation, en modifiant insidieusement les comportements, et qu’ils jouent peut-être encore aujourd’hui dans la dépendance manifeste que montre l’humanité pour ces classes d’aliments.
Si cette hypothèse se vérifiait, il faudrait voir dans le changement d’état psychique induit par les modifications alimentaires du néolothique le moteur principal de dégradation de l’environnement, par suite des déboisements nécessaires aux cultures et des surpâturages, causes majeures de désertification. Une telle constatation, confirmée par une expérimentation ad hoc, permettrait non seulement de comprendre les mécanismes psycho-écologiques qui ont conduit à la situation actuelle et qui nous en rendent prisonniers, mais encore de corriger le tir en réformant les habitudes alimentaires à l’aune de cette prise de conscience. Celle-ci, dans le mesure où elle se généraliserait, donnerait un coup de frein spontané aux dégradations agricoles de la biosphère, ou faciliterait au moins l’acceptation de mesures coercitives.
Le même raisonnement peut s’appliquer à bien d’autres mécanismes psycho-écologiques menant à la dégradation de l’environnement. Le but de l’écogénétique est de les mettre en lumière, grâce à la conjugaison des connaissances scientifiques existantes et d’une expérimentation spécifique. Nous pourrons ainsi mieux comprendre les raisons qui ont poussé nos ancêtres à se lancer dans l’aventure de la civilisation dont nous sommes les héritiers ou les complices, et dont la planète risque aujourd’hui de faire les frais…