Qu’on y parvienne à l’échelle mondiale
Il existe actuellement un courant populaire et médiatique pro-environnemental très universel, qui peut nous donner quelques espoirs quant à une réduction de l’empreinte écologique de l’humanité. La question est de savoir dans quelle mesure ces espoirs ne sont pas autant d’utopies. L’augmentation constante des émissions de CO2, l’évolution de l’agriculture, la difficile mise en place de la traction électrique et bien d’autres coups d’épée dans l’eau, sont autant de signes peu rassurants…
Les mesures pro-écologiques se heurtent effectivement à des résistances énormes, dès qu’elles touchent aux intérêts des industriels. Les investissements et les augmentations des prix de production sont tels que la concurrence est souvent insoutenable pour ceux qui les respectent. Aucune entreprise ne peut s’engager raisonnablement sur une voie qui la mènerait de faillite.
Il y a également d’énormes résistances du côté des consommateurs : aussi longtemps qu’il s’agit de trier des déchets, d’économiser l’eau, de passer aux nouvelles ampoules, c’est assez facile à accepter. Mais s’il fallait vraiment renoncer aux grandes sources de pollution que sont les produits de l’agrochimie, les habits en fibres synthétiques, les voitures, les camions, les avions, les bateaux, les tankers, le pas est beaucoup plus difficile à franchir.
On trouve bien de ci de là quelques idéalistes qui remplacent leur voiture par un vélo, leur chauffage par des capteurs solaires, leurs habits de polyester par des lainages, même les bouteilles de plastique par des bouteilles de verre. Mais s’il fallait que cela se produise à une échelle suffisante pour enrayer sérieusement les émissions de gaz à effet de serre, de particules d’hydrocarbures, de particules de plastique, les accumulations de détritus, la pollution des océans, bref : que toute la population renonce à toutes les sources de pollution, les oppositions seraient majeures chez une bonne proportion d’individus. Rien ne garantit que le volontariat permette d’atteindre les objectifs souhaitables.
Le problème est particulièrement aigu en matière d’agriculture. Pour retourner à des formes de culture respectueuses de l’humus et non dépendantes du pétrole, les structures mêmes du monde agricole devraient changer. Le paysan qui cultive seul des centaines d’hectares dans un tracteur à cabine, avec climatisation, ordinateur et toutes sortes de machines sophistiquées, devrait céder la place à des équipes d’amoureux de la campagne, prêts à se courber pour arracher les mauvaises herbes et récolter les produits à la main. Il faudrait réapprendre à conduire des chevaux, inverser l’exode rural en un exode urbain, renoncer à toutes sortes d’habitudes et de facilités. Peu nombreux seront les candidats à ce genre d’efforts et de dépouillement. Cela sans compter les baisses de rendement inhérentes aux agroconversions…
Il y a toujours eu quelques vocations d’ermites dans une population, quelques amateurs de retour à la nature et à la vie simple. Mais cette fois, les proportions doivent s’inverser : la majorité doit se faire ascètes, seules de rares exceptions seront tolérables (et encore, question d’exemple). On voit d’ici comment les choses se présenteront : chacun pensera que les autres n’ont qu’à s’y mettre d’abord, ce qui aura pour conséquence mathématique que personne ne s’y mettra mis à part quelques zélateurs.
La partie est loin d’être gagnée d’avance, notamment dans les pays en voie de développement. L’argument est bien connu : les Occidentaux ont pollué librement pendant deux siècles pour atteindre leur niveau de progrès, à notre tour maintenant.
Si la situation dégénère en conflits armés, il ne sera plus question de limiter la pollution, mais de gagner la guerre. Les nations concurrentes mettront en œuvre tous les moyens disponibles. Les dégâts à l’environnement risquent seulement de s’accélérer. Et qui nous dit qu’en désespoir de cause, les armes atomiques ne soient pas le dernier recours, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans la tête de chefs militaires en mal de victoire. Avec les stocks d’ogives prêtes à éradiquer la biosphère…