Rituels et participation mystique
Les rituels ne sont en général pas directement nuisibles à l’environnement.
Citons tout de même les feux d’artifices qui laissent de grandes volutes de fumée toxique après combustion, l’habitude qu’ont les agriculteurs de brûler les tas de branches et de mauvaises herbes pendant la saison froide, l’âtre qu’on aime allumer pour égayer la soirée, les barbecues au charbon de bois, les feux de camp, la cuisson des aliments qui pousse les autochtones à désertifier leurs terres, etc.
Il y a pourtant dans notre mode de vie toutes sortes de rituels qui sacralisent notre allégeance au système. La fête de Noël, qui a fait du divin enfant le Dieu du consumérisme ; la fête de Pâques, devenue fonds de commerce des pâtissiers-confiseurs ; les anniversaires avec les piles de cadeaux à déballer, base précoces de l’amour des emballages superflus ; le pousse-pousse qui s’inscrit dans le psychisme du bébé et servira de base à l’amour adulte de la voiture ; l’exigence de linge plus blanc que nature qui fait la fortune des fabricants de lessives…
Les rituels proprement religieux semblent quant à eux exempts de nuisances écologiques. Les quelques candélabres dont la fumée noircit les sanctuaires ne sont rien par rapport aux masses colossales que les démons de la terre expulsent des volcans. Les chants liturgiques pas plus que les incantations chamaniques n’ont apparemment d’incidences fâcheuses.
Pourtant, ces rituels consacrent quelque part notre forme de culture. Ils maintiennent l’esprit dans une ligne de pensée qui contient implicitement un certain rapport à la divinité, qui pourrait avoir pris la place d’un rapport primitif à la nature. Les tribus traditionnelles, par exemple chez les Indiens d’Amérique, éprouvaient un sentiment d’ordre religieux à l’égard des arbres, des animaux sauvages, des plantes médicinales, dévotion que notre monothéisme pourrait avoir capté au nom d’un Dieu fait à l’image du Père : celui qui nous dispense la nourriture, la pluie, la puissance germinative de nos semences…
Un ethnologue comme Lucien Lévy-Bruhl décrivait chez les « primitifs » une forme de communication – ou plutôt de communion avec le monde naturel : une « participation mystique ». Nous n’en retrouvons guère de traces dans notre culture moderne, faite d’analyses objectives et de postulats réductionnistes. Il reste tout au plus, en guise de lien à la nature, une adulation pour les plages ensoleillées, les randonnées vertes, les hauts sommets à conquérir. La participation mystique pourrait n’avoir été que le rapport naturel à la nature, avec un avantage notoire : elle en garantissait le respect et la protection.
Reste à savoir pourquoi nous l’aurions perdue aux détours de notre histoire…