Les systèmes auto-organisés
Certains esprits se réclament des nouvelles théories sur les systèmes complexes pour balayer toute forme de déterminisme génétique, jusqu’à prétendre que l’adaptabilité du vivant ne connaîtrait quasiment pas de limite. Les systèmes complexes auto-organisés seraient capables de faire émerger des propriétés nouvelles et de s’adapter très rapidement à des contraintes nouvelles.
Ainsi, l’homme pourrait inventer n’importe quel artifice et les organismes vivants seraient capables de s’en sortir sans difficultés majeures. C’est évidemment oublier que tout système, aussi complexe qu’on puisse l’imaginer, connaît toujours certaines limites. La question est donc fondamentalement de savoir où se trouvent ces limites, et si les artéfacts mis en place par la civilisation les dépassent ou non.
À cela s’ajoute le fait que ces théories, bien qu’utiles pour ramener le monde scientifique à un peu plus de modestie face à la complexité du réel, n’ont pas grand-chose à proposer en termes d’explication des mystères du vivant. En témoigne une récente communication de René Doursat de l’Institut des Systèmes Complexes, Paris Ile-de-France, CREA, École Polytechnique et
CNRS (février 2010) :
« Des comportements collectifs complexes peuvent résulter de règles individuelles à base d’agents simples, un fait souvent mis en avant comme étant la marque distinctive des systèmes complexes. Cependant, la plupart des motifs émergents bien connus ne sont « complexes » que de façon relative : soit aléatoires et imprévisibles (taches et rayures éparses, nuées d’oiseaux mouvantes, groupements sociaux fortuits, etc.) soit imprimés par des conditions aux limites particulières (sentiers de fourmis tendus entre nid et nourriture, etc.). Ces phénomènes sont statistiquement uniformes et/ou répétitifs, affichant une « pauvreté informationnelle » semblable à des textures, mais ne présentant jamais véritablement une architecture intrinsèque ».
il est bien clair que les émergences de systèmes complexes, soit qu’elles prennent des millénaires pour se réaliser, soit du simple fait que tout système est limité, ne peuvent aucunement garantir une adaptabilité des organismes à n’importe quelle contrainte nouvelle. Ces théories ne font qu’élargir tant soit peu le modèle de raisonnement génétique + épigénétique, sans rien changer de fondamental à la notion d’adaptabilité limitée.
Exemple à propos de l’explosion démographique : la croissance quasiment exponentielle de l’humanité met d’ores et déjà la planète en danger. Il faut d’une part se demander pourquoi les modes de vie anti-écologiques sont ce qu’ils sont, s’ils découlent soit de besoins et de tendances naturels de l’être humain, soit de dérèglements psychiques plus ou moins larvés, qu’il s’agit alors de discerner et d’expliquer.
Le même modèle de raisonnement doit conjointement s’appliquer au problème de la prolifération de l’espèce humaine : les facteurs en cause appartiennent-ils à la nature des choses, par exemple au fait que l’homme n’a pas de prédateur naturel capable de limiter les populations, ou que la médecine limite la mortalité infantile ; ou s’agit-il de facteurs liés à des désordres comportementaux, par exemple à certaines caractéristiques de la vie sexuelle induites par la culture, ou par les idéologies régnantes, etc.
Une autre solution serait d’espérer qu’une émergence quelconque du système auto-organisé que représente l’humanité vienne freiner sa prolifération. Dans le doute, mieux vaut prendre le taureau par les cornes sans perdre plus de temps…